L'âge d’or du genre humain, c'est aujourd'hui, sous vos yeux

Le seuil de pauvreté absolu, tel qu’il est utilisé aujourd’hui par les équipes de recherche de la Banque Mondiale, est fixé à 1.9 dollar par jour, à parité du pouvoir d’achat mesurée en 2011. C’est-à-dire que ce chiffre est corrigé des écarts de pouvoir d’achat du dollar d’un pays à l’autre ainsi que de l’inflation. Les chiffres que je vous propose ci-après ont été compilés par Max Roser, directeur du projet Our World in Data de l’université d’Oxford [1], sur la base des estimations de François Bourguignon et Christian Morrisson [2] complétées, à partir de 1981, des données collectées par la Banque Mondiale [3].

Naturellement, 1.9 dollars, ça représente très peu d’argent mais, au regard des imbécilités que je vois circuler quotidiennement sur les réseaux sociaux, une petite mise au point historique est sans doute nécessaire. Pour commencer, il faut réaliser que gagner 1.9 dollars de 2011 par jour, historiquement, c’est le sort du commun des mortels.

L'humanité misérable

En 1820, à l'époque du règne de Louis XVIII, on estime qu’environ 1.02 milliards d’individus vivaient sous ce seuil soit, rapporté à l’ensemble de la population mondiale, 94.4% de l’humanité. Oui, vous avez bien lu : plus de neuf homo sapiens sur dix vivaient avec moins que ça.

En 1910, quatre-vingt-dix ans plus tard, le nombre de pauvres atteint 1.44 milliards d’individus mais comme la population a augmenté plus rapidement, ils ne représentent plus « que » 82.4% de l’humanité.

En 1970, on estime que 2.22 milliards de nos semblables vivaient sous ce seuil de pauvreté extrême mais là encore, comme la population explose, ils passent en proportion à un peu plus de 60%.

Mais ce que les années 70 ont de remarquable, c’est que pour la première fois, alors que la population mondiale continue à croître à un rythme de près de 2%, le nombre absolu de pauvre va commencer à baisser.

Le point de bascule

En 1981, alors que la Banque Mondiale commence à mesurer le phénomène, le nombre total de personnes vivant sous le seuil de pauvreté extrême repasse sous la barre des 2 milliards — soit 44% de la population mondiale.

En 1990, dix ans plus tard, la pauvreté extrême recule encore et ne concerne plus que 1.96 milliards d’individus soit un peu moins de 37% de nos semblables.

En 2002, une grosse décennie plus tard, le mouvement s’accélère : on ne compte plus que 1.65 milliards sous le seuil de pauvreté extrême et, en proportion de la population mondiale, leur nombre recule de plus de dix points à 26.3%.

En 2012, date de la dernière estimation officielle de la Banque Mondiale, on ne comptait plus que 904 millions de pauvres à l’échelle planétaire — c’est-à-dire moins, en nombre absolu, qu’en 1820 et le taux de pauvreté extrême n’était plus que de 12.7%.

Selon les toutes dernières estimations, telles que publiées par Roser, on pense que la pauvreté extrême ne concernait plus que 706 millions de nos semblables en 2015 — c’est-à-dire que nous serions passés sous le cap symbolique des 10%.

Si vous cherchez un âge d’or du genre humain, sachez que vous êtes en plein dedans. Depuis 1970, le nombre absolu de pauvres a été divisé par plus de trois et le taux de pauvreté extrême est passé de 60% à moins de 10%. Contrairement à ce que racontent un certain nombre d’oiseaux de mauvais augure, ces quarante ou cinquante dernières années ont été le théâtre de l’enrichissement le plus massif que l’humanité ait jamais connu.

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[1] Vous trouverez les données sources sur ourworldindata.org.
[2] Voir François Bourguignon et Christian Morrisson, Inequality among World Citizens: 1820-1992 dans The American Economic Review, Vol. 92, No. 4. (Sep. 2002), pp. 727-744.
[3] Les données sont accessibles en ligne sur le site de la Banque Mondiale.

10 commentaires:

  1. Synchronyme04/08/2016 22:01

    Marrant, juste avant de lire cet article je parcourais celui de http://www.wisdomination.com/life-and-the-world-are-best-ever/ (publié deux jours après) qui reprend exactement le même topo. Comme quoi ce n'est pas que français ^^

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  2. C'est vrai pour les extrêmement pauvres. mais pour ce qui est des pauvres ou en situation de devenir^pauvre. La catégorie "extrêmement pauvre est extrêment limitée. Il serait sans doute préférable de mesurer qui profitent des richesses car la pauvreté dépend d'avantage d'un rapport entre pauvre et riches que d'un montant absolu minimum. D'ailleurs le seuil de pauvreté se défini comme étant les 2/3 du revenu médian (et ça naturellement dans un état voire une zone économique cohérente).

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    1. Il y a toujours un "oui, mais..." :(


      Réjouissons-nous !

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  3. Permettez-moi de rappeler que la monnaie est le substitut complètement oublié du contre-don qui, n'étant pas simultané au don, laissait prospérer les profiteurs dès que le groupe devenait important.

    Le contre-don, simultané qu'est la monnaie, permet de comprendre que la monnaie est l'étalon culturel de la richesse, ce que notre civilisation à oublié depuis deux siècles.

    Il est toujours terriblement réducteur d'utiliser la monnaie comme instrument de mesure de la richesse ou de la pauvreté.

    Une tribu vivant en autarcie a pour vous 100% d'extrêmes pauvre et c'est celui qui achète sa vie au lieu de la construire qui est riche car il fait de la croissance.

    Votre article est un sophisme qui comme beaucoup de sophismes a l'air convaincant.

    Marc Dugois www.surlasociete.com

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    1. Cher Monsieur,
      Il se trouve qu’à l’instar des multiples chercheurs qui ont contribué à établir ces estimations, je suis parfaitement au courant de l’existence d’économies non-monétaires.
      C’est la raison pour laquelle on raisonne dans cette étrange mesure qu’est le « dollar international à parité du pouvoir d’achat » : une monnaie fictive conçue, précisément, pour permettre des comparaisons de pouvoir d’achat dans l’espace et le temps.
      Il est de bon ton, avant de donner des leçons et d’accuser les autres d’user de sophismes, de maîtriser un minimum les notions qu’on manipule.
      Bien à vous.

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    2. Pourquoi donc prendre la mouche et répondre par le mépris ? Je connais malheureusement fort bien les notions que je manipule mais je constate que la doxa des "multiples chercheurs" s'enferme volontiers en elle-même alors que je proposais une discussion sur une approche que je crois fausse.

      Le "dollar international à parité du pouvoir d'achat" est en effet une monnaie fictive mais cette monnaie ne permet les comparaisons dans l'espace et dans le temps hors une culture donnée.


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    3. « Votre article est un sophisme »

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    4. Un peu court jeune homme !

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    5. Je citais votre premier commentaire ci-dessus.

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    6. Pourquoi donc prendre la mouche et répondre par le mépris ? Je connais malheureusement fort bien les notions que je manipule mais je constate que la doxa des "multiples chercheurs" s'enferme volontiers en elle-même alors que je proposais une discussion sur une approche que je crois fausse.

      Le "dollar international à parité du pouvoir d'achat" est en effet une monnaie fictive mais cette monnaie ne permet les comparaisons dans l'espace et dans le temps hors une culture donnée.


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